Mon projet de portrait contemporain

Phalanges fatidiques

Lors de mon passage au collège Marsan, nous avions été initié au concept du portrait contemporain avec Jacynthe Gamet. Il nous fallait à travers ce cours, élaborer un concept pour mettre en valeur de manière personnelle, une oeuvre photographique et la présenter ensuite de manière originale à notre classe.

Pour ma part, la trame de fond de mon image provenait d'une photo représentant le lendemain d'un champs de bataille au début du siècle dernier. À partir de cette scène dramatique, j'y avais ensuite intégré mon auto-portait, mettant en avant plan ma main plus que prédominante, venant saisir le défunt en vue d'un dernier voyage.

L'évocation de la mort comme ultime issue à laquelle personne n'échappe était mon idée de départ. Comme un voyage dans le temps, je m'étais imprégné de ces époques de guerres outre-mer où la carte postale était souvent comme un texto antique, le seul lien de communication entre soldats et familles. Cette réalité de la mort avec l'idée de ne peut-être plus jamais revoir ses proches me plongea dans une sérieuse réflexion sur notre rapport avec l'annonce éventuelle de notre mort. Il y avait bien sûr la réalité de la tragique nouvelle qui m'interpellait car c'est bien ce que toutes familles, mères ou fiancées redoutaient d'apprendre en temps de guerre. Mais étrangement, je m'imaginais aussi être le témoin privilégié de l'annonce de ma propre mort, avec la réception d'une ultime carte postale postale à mon sujet.

À travers ma photographie contemporaine, j'avais justement eu le désir de susciter cette expérience de perception et réflexion chez les autres. J'avais donc conçu mon oeuvre photographique sous la forme d'une carte postale annonçant la mort d'un soldat tombé au combat. Les signatures de chacunes des cartes remises aux membres de ma classe comportaient le nom de mes collègues. Ils ou elles recevaient ainsi l'annonce de leur propre mort.

"M'extirper j'aurais voulu des phalanges fatidiques
et non choir en semence sur ces sols maléfiques.
Ma chair empourprée disparaîtra d'entre les fleurs,
qui porteront je l'espère, les fruits de jours meilleurs."

Au delà d'une vive réaction possible, suscitée lors d'une pareille annonce, mon but souhaité était d'amener le spectateur à se questionner sur ce qui comptait vraiment pour lui dans sa vie présente. J'espérais l'inciter à volontairement déclarer sa mort pour l'inutile et l'éphémère. Malgré la mort, les coquelicots présents évoquent justement cette possibilité du retour à sa vie, tout cela accompagné d'une lueur d'espoir qui s'élève au dessus de cette scène infernale et qui rappelle le sens sacré de notre existence que nous laissons trop souvent oublié, comme mort.


Commentaires

Billets récents...